Reportage sur les magnétiseur d’où on ma interviewé .
Merci à Ugo pour ce reportage.
Ils sont sur
le bord du terrain. Ils soignent les petits bobos. Les gros aussi. Personne ne
veut vraiment en parler officiellement. Mais à ce que les joueurs en disent
officieusement, ils font des miracles. Dans le foot amateur, en Coupe de
France, mais pas que.
Propos recueillis par Ugo Bocchi mercredi 10 février
Demba Ba,
magnétisé
C’est une
légende. Comme il en existe des centaines. Début avril 2014, Chelsea s’apprête
à accueillir Paris pour un quart de finale retour de Ligue des champions. Deux
problèmes se posent à Mourinho. Le premier : il a perdu 3-1 à l’aller. Le
second : ses attaquants sont en petite forme. Eto’o est sur un fil, Fernando
Torres en manque de rythme et concernant Demba Ba, les médecins sont formels :
il ne jouera pas. Il peut à peine marcher. Mais impossible n’est pas
franco-sénégalais, Demba Ba a peut-être une solution sous le coude.
Il connaît un « kiné » . Le genre de mecs que la science
n’arrive pas encore à comprendre. Encore moins à expliquer. Un faiseur de
miracles. L’homme en question habite et exerce à Lille. Il monte spécialement à
Londres une semaine avant le match. Pendant deux jours, les deux hommes
travaillent ensemble, et la suite, vous la connaissez. Au soir du 8 avril 2014,
Demba Ba entre à la place de Lampard à vingt minutes du coup de sifflet final
et vient tacler cette vieille frappe d’Azpilicueta qui envoie directement
Chelsea en demi-finale de C1.
Bénévolat, imposition et
momification
Les
magnétiseurs, ou « kinés » pour la couverture civile, sont
des hommes de l’ombre. Rares sont ceux à apparaître officiellement dans
l’organigramme du club. On parle généralement de partenariat. Voire de
bénévolat. C’est le cas d’Alan Robert qui exerce à Servas, petite commune
d’Auvergne, et qui file des coups de main « par passion » au
club du coin, le FC Veyle Vieux Jonc. Alan est né dans une famille où « l’énergie
» se transmet de génération en génération. C’est dans ce cocon familial
qu’il apprend la théorie : c’est-à-dire l’ouverture d’esprit, l’écoute et la
pratique du magnétisme.
C'est aussi en famille qu'Alan découvre qu'il a de l'énergie en lui. Pour cela,
un test a suffi : « Tu prends un fruit dans tes mains et tu vois en
combien de temps tu le momifies. C’est un test qu’on fait souvent chez moi. En
trois jours, à raison de dix minutes par soir, j’ai réussi à momifier le fruit.
Au début pour moi, c’était plutôt en une semaine, une semaine et demie. Et bah
maintenant, en trois jours, facile. » Reste maintenant à appliquer cette
technique d'imposition, soit approcher les mains du corps de l’autre, sans le
toucher, pour, par exemple, retirer la douleur, aux humains.
« Je ne fais pas de
diagnostic. Je soulage »
Michel
Leray, lui, pratique du côté de la Bretagne. À Loyat exactement. Dans le
Morbihan. Au début, c’est l’entraîneur de l'équipe qui fait appel à ses
services pour des problèmes de dos. Et les résultats sont si probants qu’il le
conseille à ses joueurs. Aujourd’hui, ils viennent le voir à la moindre
douleur. Crampes, courbatures et même entorses : « Un joueur s’est
tordu la cheville le dimanche. Il vient me voir le lundi et me dit que le
week-end suivant, il a un match super important. En une ou deux séances, on a
réglé ça et il a pu rejouer avec un strapping. » Chez Michel, le
magnétisme n’est pas génétique. Il s’est manifesté à lui subitement, sans
prévenir, alors qu’il s’approchait d'une cheville foulée dans sa salle de gym.
Deux jours plus tard, plus rien. Un ami lui explique alors qu’il a un « don
» .
Depuis, il a appris à en faire bon usage avec des sportifs plus ou moins connus
et venant de tous horizons, avides de guérison express : « Si on veut
rationaliser le magnétisme, il faut imaginer que la douleur, c’est de la poudre
de fer. Et que les mains, ce sont des aimants qui enlèvent donc tout ce qui est
mauvais. » Ce n’est donc pas vraiment de la médecine : « Quand
je vois des grosses blessures, je soulage la douleur. Mais je ne guéris pas et
je ne diagnostique pas. Moi, je préfère travailler après des examens médicaux.
Et quand ils ne les ont pas faits, je les incite à le faire. » Si
Michel Leray préfère exercer dans son bureau, Alan Robert, lui, intervient
carrément sur le bord du terrain : « Je vais sur la pelouse en cas de
besoin. Mais je peux aussi faire des soins à distance sur les joueurs qui ont
des points de côté. Ils me font signe et j’agis. »
Mutuelle et droit à l’échec
Côté
patient, c’est difficilement descriptible. Se faire magnétiser, c’est quelque
chose comme « chaud, froid, chaud, froid, ça va jusqu’aux doigts de
pieds, ça fait des fourmis et la douleur disparaît. » Bref, quelque
chose d’assez occulte. Tout comme le nombre de magnétiseurs présents dans les
staffs médicaux. Une chose est sûre, en cette semaine de Coupe de France, en cette
gloire à l’amateurisme, il est plus facile d’en parler avec des clubs de niveau
départemental qu'en se rapprochant du professionnalisme. Là, le silence se fait
plus pesant. Pourtant, les légendes concernant ces mystérieux guérisseurs ne
manquent pas. Les anecdotes à petit et haut niveau, de courbatures envolées,
d’entorses disparues et de ligaments croisés soulagés se racontent dans les
vestiaires allant de la DH jusqu'à la L1.
Mais voilà, les magnétiseurs n’aiment pas la lumière. Ils créent le vide autour
d’eux pour éviter tout procès pour charlatanisme. Denis Vipret, célèbre
magnétiseur suisse ayant notamment compté Zinédine Zidane parmi ses clients,
peut en témoigner. Mieux vaut ne pas trop faire parler de soi. Michel Leray
explique : « Si on n’est pas trop mauvais, comme un médecin
finalement, on t’appellera. On marche au bouche-à-oreille. Généralement, ce
sont les joueurs qui viennent me voir. Qui me payent directement. Certaines
mutuelles prennent en charge les frais occasionnés. Et puis, comme les
médecins, je revendique le droit à l’échec aussi. Dans tous les métiers, il y a
les bons et les mauvais, les vénaux… » Et puis, ceux aussi qui font
gagner des quarts de finale de Ligue des champions.
Propos recueillis par Ugo Bocchi